Genealexis

Histoires d'hier et d'aujourd'hui...

Tout bon généalogiste sait qu’une recherche ne doit pas se baser uniquement sur les actes d’état-civil ou sur les registres paroissiaux. Il faut savoir utiliser d’autres sources comme les recensements de population, les dossiers militaires, les archives notariales et que sais-je encore. Si, comme moi, vous parcourez les forums et des groupes de discussions que l’on trouve un peu partout sur le net, vous entendrez souvent parler de fonds ou de séries qui sont bien souvent déboussolant pour les généalogistes débutants. Pourtant, il suffit parfois d’une petite recherche au bon endroit et d’un peu de hasard…

Je sais que ce n’est pas la meilleure des méthodes de recherches, mais il m’arrive de temps en temps de lancer une recherche dans Gallica en utilisant le nom et le prénom de mes ancêtres. J’ai toujours l’espoir  de trouver un article de presse ou une citation dans un quelconque ouvrage. C’est ce que j’ai fait il y a quelques mois avec Martin DESPATURES (aïeul à la 11e génération), un bourgeois de Lille qui a vécu au début du XVIIIe siècle.

Le titre de Bourgeois de Lille est apparu dès les origines de la commune de Lille. Le bourgeois de Lille se définie juridiquement comme le membre d’une communauté urbaine privilégiée. Ce titre s’obtenait soit par transmission l’année du mariage (par relief),  soit en s’acquittant d’un droit (par achat) de 25 livres 10 sols dont 15 livres parisis à la ville de Lille et le reste à divers responsables locaux. Le statut de bourgeois de Lille offrait de sérieux avantages, par exemple quiconque l’obtenait devenait uniquement justiciable de ses pairs (les échevins), il était affranchi de saisies ou prises de corps, à jours fixes au moins, durant le quart de l’année, s’il était attaqué ou en danger, il criait « Bourgeoisie » et tous lui devaient aide, quitte à se faire payer par la Commune.  Dans le cas de Martin, il s’agit de la bourgeoisie par relief car son père est bourgeois de Lille lui aussi.

Quand j’ai vu apparaitre les résultats de ma recherche sur le site de la BNF, j’ai tout d’abord cru qu’il s’agissait d’un homonyme, jusqu’à l’ouverture d’un livre intitulé « chronique d'une maison lilloise », écrit par L. Quarré-Reybourbon et lu à la Sorbonne le 8 avril 1885. En feuilletant virtuellement le livre, j’ai découvert que les parents et l’épouse de Martin DESPATURES correspondait avec les données que je possède sur le couple. Pas de doute, ce livre parle de mes ancêtres.

 

chronique d'une maison lilloise

Le livre par L. Quarré-Reybourbon

 

Comme dans une pièce de théâtre, faisons d’abord connaissance avec les personnages. Martin DESPATURES, un marchand de toile, est né le 10 octobre 1685 à Marcq-en-Barœul. Il est le fils de Pierre (Bourgeois de Lille aussi) et de son épouse Anne FRANCHOMME. Le 5 aout 1720, Martin s’uni religieusement à Marie Claire DUMOUSTIER à Lille (voir document ci-dessous). Marie Claire est la fille de parents que je ne connais pas encore.

 

acte de mariage entre Martin Despatures et Marie Claire Dumoustier

Acte de mariage DESPATURES-DUMOUSTIER (1720)

 

La maison « Beau Soleil » (indiquée par une flèche rouge sur le plan) est issue de la location et de la division en 17 lots de terrains situés autour de l’église Saint-Etienne en 1455. Des maisons dans le style hispano-flamand sont bientôt construites.  

 

plan du quartier

Plan du quartier

 

Je ne vais pas vous faire ici le détail des propriétaires qui s’y sont succédé. Pour faire bref, disons que la maison était connue sous le nom de « soufflet d’argent » depuis le XVe siècle. Par acte du 28 juillet 1676, elle passe dans les mains de la famille POLLET qui détruit le « soufflet d’argent » pour le remplacer par le « Beau Soleil » où Pierre POLLET installe son commerce de drap.

Le 3 novembre 1721, un bail est accordé pour la maison « Beau Soleil » par la demoiselle POLLET, fille de feu Pierre à Martin DESPATURES et son épouse Marie Claire DUMOUSTIER sous la caution de Charles DUMOUSTIER qui s’était alors engagé pour le paiement des 3 premières annuités.

Pendant les premières années qui suivent l’installation de la famille DESPATURES dans la maison « Beau Soleil », les premiers enfants du couple voient le jour : Marie Josèphe Cécile  (1721), Philippe Joseph (1723), Louis Joseph (1724), mon aïeule Marie Anne (1726), Henri Louis (1729), Marie Claire Angélique (1732), Marie Angélique Joseph (1735) et enfin Augustin Evrard Joseph (1739). Nous sommes au XVIIIe siècle, je pense qu’ils sont donc nés dans la maison, mais rien n’est sûr car je dispose d’aucune preuve pour le confirmer. Par  contre, ils ont tous été baptisés dans l’église Saint-Etienne qui été située derrière  chez eux.

Le 16 janvier  1755, suite au décès de Melle POLLET (qui s’est depuis remariée, mais pour simplifier je la laisse sous son nom de jeune fille) la maison change de propriétaire et passe dans les mains de Monsieur  Pierre DUPONT à qui elle est vendue suite à des enchères pour la somme de 13562 florins et 8 patards. Martin DESPATURES doit remettre la maison « à la Saint Jean » de la même année moyennant  une indemnisation comme il en est de coutume à Lille à l’époque. En effet, Pierre avait obtenu le consentement de Martin pour  la résiliation du bail qui devait durer jusqu'à la Saint-Pierre 1758, et lui donne de ce chef une indemnité de 159 florins.

Martin DESPATURES est décédé quelques années après avoir quitté la maison « Beau Soleil », le 6 aout 1767. Il est inhumé dans la petite nef vis à vis de la chapelle Saint-Jacques.

 

acte d'inhumation de Martin Despatures

Acte de sépulture de Martin DESPATURES (1767)

 

Son épouse Marie Claire DUMOUSTIER le rejoint le 2 janvier 1780 à l’âge respectable pour l’époque de 82 ans. Elle est inhumée dès le lendemain « dans le cimetière de la paroisse de la Magdeleine du faubourg présens » (Saint-Etienne).

Acte d'inhumation de Marie-Claire DUMOUSTIER (1780)

 

la maison beau-soleil en 1780

La maison « Beau Soleil » et l’église Saint-Etienne en 1780
(D’après un tableau de Louis Joseph WATTEAU)

 

Les observateurs auront noté la présence d’une église derrière la maison en 1780, il s’agit de l’église Saint-Etienne  dont j’ai déjà parlé plus haut et qui sera brulée ainsi que les maisons avoisinantes (dont une partie de la maison « Beau-Soleil ») lors du siège de la ville de Lille  par les autrichiens commandés par Albert de Saxe-Teschen au début de l’automne 1792, comme en témoigne M. VERSTRAETE le 2 octobre de la même année :

 

témoignage sur le bombardement de Lille en 1792

 

Le 5 juillet 1827, la maison est vendu à Monsieur CLAINPANAIN,  horloger, qui en était le locataire depuis un acte du 12 Floréal an XII (2 mai 1804).L’horloger décide d'agrandir en surélevant le bâtiment d'un 3e étage et d’un fronton qu'il fait décorer d'un soleil de cuivre doré dont les yeux à eux seuls coutèrent 60 francs. Depuis, La maison « Beau-Soleil » a su traverser les époques :

 

La maison beau soleil en 1855

La maison « Beau Soleil » en 1855

 

La maison « Beau Soleil » de nos jours

Commentaires   

#1 Dominique Chadal 16-05-2013 07:36
Belle histoire que celle qui unit une famille et une maison.
#2 Frantztztz 27-05-2013 06:46
Quelle chance d'avoir retrouvé la maison de vos ancêtres ! C'est vraiment rare et la maison a une vraie histoire, c'est génial. Je parle aussi d'une maison retrouvée dans cet article : .../les-lieux-de-vie-de-julien -le-bourcier.html
#3 Alexis 27-05-2013 15:13
En fait j'ai surtout eu un coup de bol, puisque quelqu'un a fait une étude sur cette maison en 1885. Sans elle je pense que je n'aurais pas pu découvrir que mes ancêtres ont vécu là.