Genealexis

Histoires d'hier et d'aujourd'hui...

L’histoire que je m’apprête à vous raconter aujourd’hui aurait pu servir de base à une enquête d’Hercule POIROT. Je l’imagine déjà arrivant en gare de Valenciennes, traversant la petite place, il se serait dirigé vers Grand Hôtel où une chambre était réservée à son nom depuis quelques jours. A bord d’une traction noire, la police locale l’aurait emmené, via la route qui mène à Mons, à Quiévrechain, à quelques pas de la frontière avec la Belgique. Le voyage rythmé par le chaos de la route pavée et par la cloche du tramway lui aurait fait traverser Saint-Saulve, Onnaing, puis Quarouble via le carrefour que l’on nomme les 4 pavés (ou les 4 chemins selon les sources).

 

L’arrêt des 4 chemins, à Quarouble
(source : Archives Municipales de Valenciennes)

Sa première étape aurait sans doute était la voisine d’Eva. Elle l’aurait invité à s’assoir, à la fois gênée et fière de la simplicité de sa vie. Elle lui aurait proposé une tasse d’un café allongé à la chicorée comme il est de coutume dans le nord de la France, puis Hercule serait allé rendre visite à la famille de la victime. La ville qu’il aurait découverte est une ville minière du Nord de la France comme le bassin minier en compte des dizaines. Il aurait sans doute croisé des enfants, peut-être même mon grand-père, jouant dans la rue. Le plus anglais des détectives belges aurait beaucoup écouté et beaucoup observé. Comme à son habitude, il n’aurait pas vraiment interrogé les personnes mais plutôt cherché à les comprendre et à les faire parler sans qu’ils s’en rendent vraiment compte.

En réalité, tout commence à Flénu, un village du Hainaut belge situé à quelques kilomètres de Mons. Eva Maria Emilia QUINTIN y voit le jour le matin du 9 mai 1882, fille légitime de Pierre, un garde convoi, et de Pauline DERNONCOURT. A 19 ans, elle épouse Adolphe AMAND, un mineur de 5 ans son ainé. Dans l’état actuel de mes recherches, le couple a eu 14 enfants repartis entre 1902 et le début des années 30. Je ne vais pas vous dresser ici la liste des enfants du couple, mais juste préciser qu’Adolphe (leur fils, né en 1902) est mon arrière-grand-père.

 

Eva Quintin entouré de sa famille
(source : Archives Familiales)

Ce 10 juillet 1934, Adolphe (l’époux d’Eva, né en 1877) n’a pas dessoulé depuis 3 jours, pour tout dire, il était même ivre au moment de son départ pour le boulot. Comme à son habitude, il avait injurié sa femme, et cette fois, il l’avait même tiré par les cheveux. Le soir venu, il avait réitéré ses violences envers la mère de ses enfants avant de repartir au cabaret. Adolphe est connu dans le quartier sous le surnom de « La Brouette », une allusion aux nombreuses fois où il fallait le ramener chez lui dans une brouette car il était ivre mort. A son retour à leur domicile de la rue du Corbeau, Adolphe est plus ivre que jamais, Eva de son côté, est en train de préparer la soupe pour sa famille quand il se lève furieux et comme envahi par la rage, il s’avance vers Eva qui prise de panique, lui jette sur le corps le contenu bouillant du seau de soupe lui occasionnant des brûlures dont la gravité causera la mort d’Adolphe à l’hôpital de Saint-Amand dix jours plus tard (le 20 juillet).

 

Extrait du Grand Echo du Nord du 26 juillet 1934
(source : BNF / Gallica)

A la suite d’un réquisitoire du procureur au tribunal de Douai le 28 novembre 1934 au cours duquel Adolphe AMAND est décrit comme un homme "très mal noté", qui "s'enivrait presque tous les jours" et était "violent et méchant (…) battait et violentait journellement sa femme qui ne répondait ni à ses insultes, ni à ses violences", la cour décide "qu'il résulte que si la dame QUNTIN Eva veuve AMAND s'est livré à des violences sur son mari, c'est parce qu'elle craignait pour sa vie et qu'elle était dés lors en état de légitime défense.".

Eva est décédée le 5 décembre 1965 à Baisieux (Belgique) à l’âge respectable de 83 ans.

 

Extrait de La Croix du 13 décembre 1934
(source : BNF / Gallica)

Eva Quintin (à droite) et sa voisine
(source : Archives Familiales)

Sources :

- La croix du 13 décembre 1934 (BNF / Gallica)
- Le Grand Echo du Nord du 26 juillet 1934 (BNF / Gallica)
- L’Egalité de Roubaix-Tourcoing du 12 décembre 1934 (Bibliothèque Municipale de Roubaix)
- Le Journal de Roubaix du 19 janvier 1935 (Bibliothèque Municipale de Roubaix)
- Archives départementales du Nord (Pour l’état-civil et le jugement)
- Archives d’Etat en Belgique (Pour l’état-civil)

Commentaires   

#1 Maud de Geneafinder 31-05-2019 20:33
Quelle histoire ! Merci de nous la partager.
#2 Trudu 30-05-2020 06:55
Bonjour Alexis, merci pour l'histoire de mon arriere grand pere et grand mere... je comprend mieux - meme si je connaissais un peu l'histoire de cette soupe - pourquoi les 2 ne sont pas enterres au meme endroit.
... encore merci cousin.