Genealexis

Histoires d'hier et d'aujourd'hui...

Les Archives départementales de Loire-Atlantique mettent en scène un procès exceptionnel qui se déroula pendant 12 jours dans l’ancien tribunal de Nantes. En mars 1931 furent jugés 14 habitants de Cayenne accusés d’avoir participé aux violences (six morts) qui avaient secoué Cayenne en 1928. Les avocats firent le procès de l’administration coloniale, et de la fraude électorale. Tous les accusés furent acquittés. L’exposition fait revivre le procès de façon spectaculaire et émouvante, avec de nombreux documents et objets d’époque, dont le banc des accusés (photo). Du 9 février au 26 juin aux Archives, 6, rue de Bouillé à Nantes. En avril se déroulera un colloque auquel participera l’historien André Bendjebbar, qui a retrouvé les pièces du procès. Le programme des animations et les horaires sont consultables sur le site du conseil général www.loire-atlantique.fr

Le banc des accusés

 

Pourquoi, les 6 et 7 août 1928, la population de Cayenne s'est-elle révoltée ? Comment deux femmes et douze hommes, de 27 à 68 ans, se sont-ils retrouvés accusés de meurtres et de pillage en bande devant la cour d'assises de Nantes en 1931 ? En 1928, la Guyane française hérite des bagnards et autres rejetés de la République. Elle subit aussi la tyrannie de trois hommes avides de pouvoir et d'argent : le maire de Cayenne, Eugène Gober ; le gouverneur de la colonie assujetti à Paris ; le député blanc Eugène Lautier, parachuté le temps de la campagne électorale. Miséreuse, la population reporte alors tous ses espoirs sur Jean Galmot. Cet entrepreneur humaniste, qui se bat depuis plusieurs années contre l'esclavage politique, pour l'égalité citoyenne et économique, se représente aux élections législatives. Mais les résultats du scrutin, truqués, donnent Lautier vainqueur. Le décès suspect de Galmot, quelques semaines après la validation des votes par la Chambre des députés, provoque un déferlement de violence à Cayenne. Six personnes sont lynchées par la foule et tuées. Révolte spontanée ou soulèvement organisé par un comité secret pour détruire les partisans de Gober et s'emparer du pouvoir ?

Un procès retentissant

Pour éviter de nouveaux heurts, le tribunal de Cayenne est dessaisi au profit de celui de Nantes, dans un souci d'impartialité. Fin septembre 1929, après une traversée de vingt jours, quarante-cinq personnes sont écrouées dans l'ancien port négrier. Pendant la détention provisoire, la presse locale donne une image très négative des quatorze inculpés finalement retenus : des êtres frustes aux mœurs débridées, à demi sauvages, extrémistes et violents. Au cours des douze jours d'audience, les avocats de la défense, dont Henry Torrès, Alexandre Fourny et Gaston Monnerville, vont faire prendre conscience aux jurés, mais aussi à la France entière, que les Guyanais n'étaient pas considérés comme des citoyens à part entière, mais de seconde zone. Dans une plaidoirie remarquée, Gaston Monnerville donne une orientation politique au procès en parlant d'esclavage et de colonialisme. L'acquittement est prononcé : les accusés étaient donc des boucs émissaires ; la Guyane, gangrenée par la fraude ; et les crimes, la conséquence du truquage des élections ! On reconnaît enfin les droits des colonisés. Le suffrage universel et les valeurs républicaines retrouvent enfin tout leur sens.

(source : Ouest France et France 5)